Un peu plus d’un an après avoir vanté les mérites du bassiste à lunettes, il est temps de faire le point sur le côté live de Yo La Tengo. Fin octobre, ils avaient prévu un passage à la Cigale, pour soutenir la sortie de leur dernier album (de reprises) : Stuff Like That There. Un album très cool, parfait pour faire la sieste un après-midi d’automne ensoleillé (rien de péjoratif là-dedans, j’aime bien faire la sieste !).

Nous voici donc au concert après une journée sans sieste (dur !). Arrivé dans la salle, on réalise qu’on assistera à un concert assis dans des fauteuils (mous !). Parfait ! On se met à l’aise. On n’est pas les seuls : la fille du premier rang est venue en runnings New Balance, qu’elle exhibe fièrement en posant les pieds tranquillou sur la scène. Encore plus à son aise, un type du 3ème rang a carrément retiré ses godasses. On admire alors la blancheur impeccable de ses chaussettes de tennis. Bref, on est bien, c’est vendredi et moi, je somnole peinard pour digérer la raclette du midi. Tout ça a des relents (rien à voir avec les sus-nommées chaussettes ou la sus-mentionnée raclette) de concert au Palais du Grand Large un dimanche après-midi de Route du Rock.

En poussant un peu l’analyse sociologique du public, on peut même dresser une sorte de portrait-robot, selon le fameux concept du 80/20. Ainsi, le public de Yo La Tengo est, au moins, à 80% quarantenaire, chauve, déficient oculaire et vêtu d’un tee shirt de groupe de rock. Bref, on est en terrain connu et c’est peut-être pour ça qu’on se sent comme à la maison. Il y a malgré tout un petit truc caricatural là-dedans, et un scénariste des Simpson aurait tôt fait de replacer l’action dans un club de jazz snob du New Jersey, où tout le monde porte un béret et des lunettes rondes. Mais on accepte bien volontiers cette caricature, puisqu’on en fait partie !

“Bon, ok… Mais, il était comment ce concert ?” se demandent impatiemment les lecteurs. A l’image du public inoffensif, le concert était plein de légèreté, de moments sweet et de versions épurées de titres plus ou moins récents. On est divinement bien. On applaudit gentiment entre les chansons tandis qu’un roadie ressemblant à un prof de sciences nat’ apporte la guitare d’après. Parfois, on baille au milieu d’un titre. Mais ce n’est pas une marque d’ennui. Juste la conséquence du moment relax qu’on passe avec nos potes sur scène.

Sur scène donc, il y a Ira le chanteur-guitariste qu’il est difficile de ne pas comparer à un Dylan de série B, un qui porterait un tee-shirt à rayures plutôt qu’un accoutrement de rock star. Georgia, sa femme, debout derrière la batterie, sorte de Moe Tucker d’avant le Tea Party qui joue quasiment tout le temps avec des balais (cool !). James le bassiste, devenu contrebassiste (très cool !) à l’occasion de cette tournée acoustique, pourrait aisément jouer le rôle du gros-copain-nerd-à-lunettes-carrées de n’importe quelle sitcom ayant besoin d’un gros-copain-nerd-à-lunettes-carrées. Et puis, de retour dans le groupe, Dave Schramm à la deuxième guitare et à la pedal-steel (ultra cool !). Sur scène, il y a aussi plein de tableaux plus ou moins naïfs, plus ou moins abstraits (ah, si un scénariste des Simpson passait par là !) qui donnent l’impression que les membres du groupe sont au moins aussi intelligents et cultivés que leur public.

J’avoue que j’aurais du mal à extraire des grands moments de ce concert. Il n’y a pas eu de “tubes” au sens strict du terme et globalement, le concert formait un ensemble uniforme (peut-être trop ?). D’ailleurs, cette uniformité est peut-être la grande force de ce concert : si on regarde la setlist, une bonne moitié est constituée de reprises. Mais ce soir-là, on n’entendait que des chansons de Yo La Tengo !

En fin de compte, on gardera avant tout le souvenir d’une excellente soirée, où l’on aura pu apprécier pendant deux heures un monde de douceur avec des camarades en New Balance. Moelleux !