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Dans la vie, la famille, les amis, nos connaissances, tout ça, ça évolue bon gré mal gré au fil du temps. Pour la musique, c’est un peu la même chose. On a des amours de jeunesse complètement honteuses à assumer, des relations épisodiques avec tel groupe ou tel artiste. Mais surtout, on se crée un socle solide, durable, inaltérable malgré ce que les gens de l’extérieur en disent ou ce que les concernés de l’intérieur font.

Je passerai trèèès rapidement sur les amours de jeunesse hein (non, je n’ai jamais donné d’argent à 2 Unlimited ou à Ménélik ! Non, c’était des cadeaux…), pour évoquer directement la case adolescence.

À ce moment de la vie, on se fait ses premiers vrais copains. Des potes à la vie à la mort. On n’en a pas beaucoup, alors on vit avec eux tout le temps, en boucle. Sauf qu’on se rendra compte plus tard qu’on avait plein de choses en commun à cette époque, mais qu’en fait, on n’aurait plus grand chose à se dire 20 ans après. C’est l’époque où on est fier d’avoir des copains rebelles parce qu’on n’est pas vraiment rebelle soi-même. La période où on est content d’avoir des copains plus vieux, différents de tous les autres copains rappeurs de nos potes. Celle où on s’en fiche si un camarade n’a pas fini de muer. Et où quand même, des fois, on avoue, sans trop le dire, que nos parents sont pas si cons que ça.

Progressivement, on a de plus en plus d’amis dont on est fier. On côtoie toujours notre famille bien sûr. Mais comme dans toutes les familles, on sait bien que les relations évoluent : le cousin un peu débile qui nous faisait marrer quand on était jeune, on continue à bien l’aimer, là n’est pas la question. Mais quand même, petit à petit, on s’en éloigne, on évite d’en parler en société. Pareil pour le frère de maman : on en est fan quand on avait 15 ans, il est quasiment un dieu vivant mais, les années passant, on aimera toujours le voir, mais on le trouvera au plus attachant.

Ensuite, vient la vingtaine, la liberté, le foisonnement. La famille est là, mais de loin. Notre grand frère continue de nous envoyer des messages sympa de temps en temps. Mais, on a besoin de nouvelles têtes pour cadrer notre vie. On se fait alors plein de potes, qui arrivent souvent à plusieurs, et on les aime tous, sans exception. Il y a aussi les connaissances d’un soir, de quand on avait bu un coup de trop au pub. Et puis les amis de nos amis qu’on aime bien voir avec eux mais qu’on ne fréquentera jamais tout seul. Alors, évidemment, de cette époque, comme quand on était petit, comme à l’adolescence, il y a des amitiés honteuses, qu’on a du mal à s’expliquer a posteriori.

Mais enfin, progressivement, les choses se mettent en place, le cercle d’amis se stabilise. Et avec la stabilité, le confort. On a moins envie, car moins besoin, de faire de nouvelles rencontres. Bien sûr, épisodiquement, on est content de rencontrer quelqu’un de nouveau. Mais le plus souvent, on se fait des soirées avec ses potes, les vrais, ceux sur lesquels on pourra toujours compter et à qui on pardonne toujours tout, car tout le monde a des instants d’égarements.

Les seuls moments où tout est un peu remis en cause, c’est quand il faut assister à un enterrement. Mais, comme on a la trentaine, ce ne sont pas encore des figures trop proches : le lointain tonton qu’on voyait rarement ou l’ami d’enfance de papa. Malgré tout, on a quand même perdu quelques proches. On se dit que la vie est moche, qu’ils étaient formidables. Mais finalement, quand on voit ce que certaines personnes formidables sont devenues, c’est peut-être mieux ainsi.

Arrive désormais cette période où le décor est fixé. On est serein, rien ne vient plus perturber nos convictions. Les enfants de la famille sont sympas, mais on en reste un peu distants. On en est pas encore au stade de mamie qui confond Stéphane et Olivier. Cependant, parfois, on ne peut s’empêcher de ressentir un air de déjà vu.

Et vient alors ce sentiment étrange qu’on prend de la bouteille. Des choses nous rassurent : on peut trouver qu’on vieillit mieux que nos amis ou que notre petite amie nous offre une seconde jeunesse en nous présentant tous ses potes. Mais le constat est là. De plus en plus, on pense qu’on aurait voulu vivre à l’époque où notre père et ses potes avaient la vingtaine. Pour voir ces potes autrement que comme des bedonnants sympas mais grisonnants. Ou pour connaître le grand-père qui est mort avant notre naissance.

Mais allez, cessons l’apitoiement ! Nous avons encore plein de projets ! Et qui sait si prochainement, un retour de jeunesse ne nous donnera pas envie de redevenir les explorateurs que nous avons été ?